C'est tout bon ?
Les « crudivores » refusent la nourriture cuite. Ne manger que ce que nous offre la nature, avec moins de transformation possible, est une idée séduisante. Cette méthode semble avoir beaucoup d’avantages : on maigrit tout en bénéficiant d’un gros apport de vitamines et de minéraux… Qu’en est-il exactement ?
Si l’on ne mangeait que des aliments cuits, on se trouverait devant un risque de carence vitaminiques, notamment des vitamines hydrosolubles, c’est-à-dire qui se dissolvent dans l’eau. Les conséquences ne se feraient pas attendre avec des affections de la peau, des muqueuses, du système immunitaire et du système nerveux. D’un autre côté, ne manger que des aliments crus entraîne une perte de poids, la première année, de 5 à 20 kg et, les années suivantes, de 1 à 5 kg par an. Par ailleurs, certaines personnes affirment avoir guéri de maladies graves (cancer, sclérose en plaques, etc…) grâce au crudivorisme. Le tout cru serait donc séduisant, s’il n’entraînait d’autres troubles, au moins aussi graves.
En effet, il faut savoir que l’homme a un besoin vital de végétaux à haute teneur glucidique – comme les céréales, les légumineuses, les tubercules – qui sont mieux digérés et mieux assimilés s’ils sont cuits. Mais pour celles ou ceux qui, par besoin de perdre du poids ou par éthique personnelle, persisteraient à vouloir tenter le régime crudivore, d’autres arguments devraient les faire revenir sur leur intention.
Dans le froid, mangeons chaud
A très basse température extérieure, absorber des aliments froids entraîne un stress avec pour conséquence un spasme du tube digestif. Ajouter au froid « interne » à un froid « externe » entraîne une grande déperdition d’énergie, un affaiblissement général. L’énergie vitale de l’organisme se mobilise pour lutter contre le froid et rétablir un équilibre thermique : la digestion se fait difficile, entraînant un blocage enzymatique. Certaines personnes, « accro » au crudivorisme, se défendent en expliquant que les animaux mangent cru ; mais elles semblent ignorer que les deux tiers de l’énergie vitale de l’humain sont dérivés vers le cortex, ce qui n’est pas le cas des animaux. Quoi qu’il s’agisse d’une évidence, il est bon de rappeler que l’homme conduit une voiture, paie son loyer et son percepteur, qu’il étudie pour passer tel ou tel examen, qu’il est soumis aux ordres d’un patron, à la mésentente conjugale, et à tous les soucis petits ou grands occasionnés par la vie de société. L’animal peut monopoliser sans risque son potentiel vital pour assurer sa digestion, ce que ne peut faire l’homme qui n’a pas que ça à faire dans la journée !
Un excès de fibres
Pour supprimer la sensation de faim, le « crudivore » compense les farineux, les féculents et les protéines animales par une consommation massive de crudités et légumes aux repas et de fruits entre les repas… d’où excès de fibres, parfois à l’origine d’entérocolites de gravité exceptionnelle chez les enfants soumis à de tels régimes. Un régime crudivore, et donc froid, entraîne donc non seulement un blocage du système digestif mais aussi une perte des muscles et de l’énergie.
Impossible d’équilibrer les glucides
Puisqu’il est difficile de manger des tubercules ou des céréales crues, certains crudivores les suppriment purement et simplement. D’autres essaient de rééquilibrer avec des bananes, des fruits secs, des céréales germées. En théorie, les apports en glucides semblent suffisants. En fait il n’en est rien.
- les fruits secs (dattes, figues, pruneaux, etc…) et les bananes saturent très vitre le goût : rapidement, les adeptes de ces régimes limitent d’eux-mêmes leur consommation
- Les céréales crues ne sont relativement digestes que si elles sont germées. Mais les céréales crues sont insipides et, là encore, les quantités ingérées deviendront vite insuffisantes.
L’apport insuffisant en glucides va entraîner l’amaigrissement, la frilosité, la fatigue, l’absence de résistance au froid.
Une litanie de maux
Souvent les crudivores consomment aliments protéiques et aliments glucidiques à des repas différents : au régime « cru », ils ajoutent le régime « dissocié ». L’organisme va utiliser une partie des acides aminés, nés de la digestion des aliments protéiques, pour synthétiser le glucose, ce qui aura pour conséquence, l’anémie, la fonte musculaire, la dévitalisation générale. Pour compenser les sensations de faim permanente entre les repas, le crudivore dévore des fruits entre les repas, jusqu’à 3 kg par jour. Mais de telles quantité d’acides de fruits sont difficilement assimilables et transformables, d’autant que, comme nous l’avons vu, l’individu est frileux et fatigable. Pour « comburer » les acides de fruits, il devra puiser dans ses propres réserves des bases minérales. Tout ce processus physico-chimique aboutira, avec le temps, à ce que j’ai nommé le syndrome du frugivore et qui se caractérise par une véritable litanie de troubles et d’affections souvent gênantes et parfois graves : une gingivite acide, des aphtes, des douleurs stomacales, une « goutte au nez », des yeux larmoyants, des rhumes et des bronchites chroniques, une frilosité et une fatigabilité extrêmes, des crampes, une hypotension, le syndrome de Raynaud, des engelures, des problèmes sexuels, une irritabilité, une insomnie, des crises de spasmophilie ou de tétanie, une déminéralisation des dents et des os, une peau sèche et crevassée, des cheveux ternes, secs et cassants…
Alors pourquoi le crudivorisme reussit-il à guérir de certaines maladies graves ?
Tout simplement parce que, par rapport à l’alimentation totalement désordonnée d’un individu sédentaire (conserves, charcuterie, alcools, tabac, etc…), le crudivorisme amène d’abord une rupture et ensuite un mieux par rapport à une alimentation antérieure. Dans le cas d’une guérison, il ne faut d’ailleurs pas poursuivre le régime crudivore au risque d’entraîner des carences graves. Et, si la maladie fait suite à une fatigue extrême, un stress terrible ou une alimentation carencée, même naturelle, le crudivorisme n’aura aucun effet, sauf de produire un amaigrissement et des carences graves.
Robert MASSON - Directeur du CENA
Même quand ça marche, c’est dangereux
J’ai, un moment , pensé que le crudivorisme équilibré était compatible avec la santé.
J’avais même conseillé aux personnes qui voulaient absolument suivre le régime crudivore la méthode suivante :
- matin : fruits secs
- midi et soir : crudités variées + céréales germées + œufs ou viande crue ou poisson cru mariné au jus de citron
- 17 h : fruits aqueux
J’avais aussi nuancé en fonction de deux typologies :
- individus résistants au froid, plutôt brévilignes et de tempérament sanguin : jusqu’à 1 kg de fruit l’été et la moitié l’hiver.
- individus frileux depuis toujours, plutôt longilignes et nerveux : ces personnes oxydent mal les acides et les neutralisent avec leur propres bases minérales (la page précédente) : consommation importante de légumes crus mais faible de fruits aqueux : 100 à 200 gr l’été et la moitié en hiver.
Mais avec l’expérience je me suis aperçu que la consommation de céréales, qui sont trop insipides, était toujours insuffisante. Ceux qui réussissent le mieux ce régime, et qui sont capables d’avaler de la viande, des œufs et du poisson cru, peuvent bénéficier totalement de l’apport des acides aminés d’origine protéinique puisque, la majeure partie est utilisée pour la « combustion » des glucides. Par conséquent, il y a toujours déséquilibre. [b]